Le Wat Ratchaburana, qui peut se traduire par « temple de la restoration royale » a été construit en 1424 par le nouveau roi Borommarachathirat II en mémoire de ses deux frères ainés. À l’origine, on y accédait par bateau puisque ce dernier était situé sur les rives d’un important canal, le Khlong Pratu Khao Pluak (qu’on peut traduire par canal de la porte au riz non moulu), qui a depuis disparu puisque comblé au début du XXe.
Le Wat Ratchaburana est un temple qui ressemble à s’y méprendre à son voisin, le Wat Mahathat. La configuration est la même, avec un bâtiment rectangulaire de chaque côté du prang central, qui reprends l’architecture khmère. Pour autant, il est nettement mieux conservé que son voisin et s’avère donc intéressant à visiter pour mieux comprendre l’allure originelle de ses temples.
Histoire du Wat Ratachaburana
Le temple a été fondé dès 1424 par Borommarachathirat II, un roi qui n’était pas destiné à l’être. En effet, il était le plus jeune d’une fratrie de trois frères. Leur père, le roi Intharacha (r. 1409-1424) avait trois fils, régnant chacun sur les principales cités alors établies au nord-ouest de la capitale de ce royaume encore jeune. Chao Ai Phraya, l’aîné, dirigeait la puissante cité de Suphan Buri; son cadet, Chao Yi Phraya, administrait quant à lui San Buri (aujourd’hui Phraek Sriracha, aussi connue sous le nom de Sankha Buri, située sur la rive de la rivière Noi), une ville installée sur un territoire nouvellement conquis. Enfin le benjamin, Chao Sam Phraya, s’était vu attribuer la garde de Chainat, nouvelle ville située sur les rives d’une rivière qui prendra son nom, je parle bien sûr du Chao Phraya (ce terme étant à la base un titre de noblesse).
Chainat était à la limite nord du royaume d’Ayutthaya, puisqu’au-delà, il s’agissait à cette époque du royaume de Sukhothai, qui, bien qu’étant sur le déclin, ait coexisté quelques temps avec Ayutthaya. Après la mort de leur père, le premier et le deuxième fils, respectivement Chao Ai Phraya et Chao Yi Phraya, ont conduit leurs armées respectives (environ 500 hommes chacun) à Ayutthaya afin de réclamer le trône. Les deux princes s’engagèrent dans un combat personnel, monté sur des éléphants; directement aux portes de la ville, qui en ce temps, se trouvaient au niveau du canal Khlong Pratu Khao Pluak. Le combat prit place précisément à côté du pont dit, du «marché au charbon» (Saphan Pa Than).
L’issue de ce combat fut fatale aux deux frangins puisqu’ils s’égorgèrent mutuellement, décédant sur place… Le plus jeune frère,
Chao Sam Phraya, devenait donc par défaut le nouvel héritier, et a donc par la suite été invité à Ayutthaya et proclamé roi sous le titre de Borommaracha II. Parmi ses premiers actes, il a fait construire deux chedis sur le site même où ses frères ont engagés la bataille (toujours visible, sur le carrefour face au Wat Ratchaburana, au même titre que les restes du vieux pont en brique).
Il a ensuite incinéré ses deux frères et ordonna la construction d’un temple sur leur site de crémation, ainsi est l’origine du Wat Racha
Burana. Il y a ensuite peu d’informations concernant l’histoire du temple jusqu’à sa destruction comme toute la ville en 1767. En 1957, faisant suite à la découverte d’objets en or lors des fouilles du Wat Mahathat, Ayutthaya attira de nombreux voleurs bien déterminée à fouiller les ruines pour y dénicher des trésors enfouis. Un groupe d’entre eux réussit à pénétrer dans la crypte du Wat Ratchaburana qui fut dévalisée. De nombreux objets précieux tels que des tablettes votives, des insignes royaux dorés, des pierres précieuses et des images de Bouddha ont été volés. Si les voleurs ont été capturés, seule une partie du butin a pu être récupéré, beaucoup de ces trésors ayant déjà été vendus à des collectionneurs peu scrupuleux.
Pour éviter de subir d’autres pertes, le Département des Beaux-Arts lança l’année suivante une vaste campagne de fouilles et restaurations et des temples dont le Wat Ratchaburana. De nombreux autres objets inestimables ont été découverts et sont maintenant exposés au musée national Chao Sam Phraya situé à proximité. Vous noterez que l’origine du musée, spécialement construit afin d’y exposer les trésors du Wat Ratchaburana, fut du coup nommé d’après son fondateur, le 3e fils du roi Intharacha.
Architecture du Wat Ratchaburana
Le Wat Rachaburana est très similaire au Wat Phra Ram, Wat Phutthaisawan et son voisin le Wat Mahathat, tous des temples construits dans les premières années de la capitale. Le monastère est orienté vers le soleil levant, à l’Est, sur le même modèle que les temples d’Angkor dont l’architecture symbolise le mont Meru, le centre de l’univers dans la religion hindou. C’est le concept classique qu’on retrouve par exemple aux temples cambodgiens comme le Phnom Bakheng, Preah Rup, East Mebon, Baphuon et Ta Keo, tous situés dans le zone historique d’Angkor. Il utilisent tous une disposition en quinconce, avec une tour centrale entourée de quatre tours dans les angles, le tout était aussi souvent entouré d’une cour et d’une galerie.
Sachant que tous les temples dans la période suivant l’établissement d’Ayutthaya étaient essentiellement de style khmer, consistant principalement en structures mélangeant des blocs de latérite et de la brique, recouverts de stuc et bas-reliefs pour les finitions et décorations.
Le Wat Rachaburana ne faisait pas exception et a été initialement construit en quinconce, avec son prang central, toujours visible, entouré d’une galerie couverte avec une tour à chaque angle. Le monastère était autrefois entouré d’un fossé rempli d’eau, représentation symbolique des océans entourant le mont Meru (représenté par le prang). Ce n’est que bien plus tard que les bâtiments rectangulaires ont été rajouté dans l’axe est-ouest, quand le style architectural propre aux Thaïs commençait à se développer. Le viharn à l’ouest ayant été en partie intégré à la galerie, tandis que la salle d’ordination (ubosot) est légèrement à l’écart à l’ouest.
1- Le prang central
L’élément central du temple. Malgré son vénérable âge, il est particulièrement bien préservé, car le prang du Wat Rachaburana était encore en assez bon état après la destruction de la cité et a pu ainsi être restauré. Le prang possède une architecture qui était caractéristique des prangs du début la période d’Ayutthaya.
Petite particularité ici, la petite salle centrale à l’intérieur du prang, contenant la crypte, est accessible par un porche orienté vers l’est. Il y a également trois séries d’escaliers, orientés à lest, au nord et au sud. Cette salle, appelée « cella », abritait autrefois une statue de Bouddha. La crypte est aujourd’hui accessible via un escalier rajouté en 1958 par le département des Beaux-Arts et se décompose en deux niveaux. L’intérieur étant étroit, mieux vaut ne pas être claustrophobe. Au premier niveau, on peut toujours y voir les restes de peintures murales, incluant des mandarins et quelques signes chinois restant. L’étage inférieur est tellement étroit qu’une seule personne à la fois peut s’y rendre. Les peintures y sont mieux préservées sur les côtés et dépeignent la vie de Bouddha et ses disciples ainsi que quelques motifs floraux.
Sur la structure externe, tantôt comparé à un bourgeon ou même un épi de maïs, on y trouve encore quelques sculptures originelles comme celle d’un Garuda, un oiseau demi-dieu de la mythologie hindoue, transposée dans le bouddhisme (devenu par ailleurs l’emblème de la monarchie en Thaïlande). On y retrouve aussi le classique serpent mythologie à multiples têtes, le Naga, considéré comme une divinité des eaux et de la terre (donc l’opposé du Garuda, parfois dépeint comme son ennemie).
2- Le viharn
Le viharn, positionné à l’Est du prang, a été intégré dans la structure préexistante de la galerie entourant la tour centrale. L’entrée principale est située à l’Est même si plusieurs entrées permettaient de s’y rendre. Il n’y avait par contre que très peu de fenêtres même si ces dernières sont indispensables pour laisser entrer un peu de lumière et aérer le bâtiment.
Le toit à plusieurs niveaux s’est effondré dans l’incendie qui a ravagé le temple, alors que celui-ci était soutenu par une série de colonnes typiquement surmontées par un motif de fleurs de lotus. En revanche, ses quatre murs sont eux toujours debout, ce qui reste assez rare pour être souligné.
3- L’ubosot
L’ubosot est légèrement isolé à l’ouest (comprendre, non accolé à la galerie comme le viharn). Il était aussi accessible via un porche surélevé et toute sa structure était similaire au viharn, bien que de dimension légèrement plus modeste. L’édifice a par contre plus souffert par les affres des temps et il n’en reste guère que la base en brique.
4- Viharns et chedis secondaires
Comme pour tous les temples, le Wat Ratchaburana incluait un large ensemble de viharns subsidiaires et de chedis, probablement rajoutés au fur et à mesure des années. On y retrouve divers styles et états de conservation rendant globalement le site intéressant à parcourir.
[rating stars="4.5"]
Mon avis sur le
Wat Ratchaburana