Située en plein cœur de la région du Kansaï, Nara est une petite cité historique, classée au patrimoine mondial de l’Unesco et considérée comme la première capitale fixe du Japon (dès 710). Avec ses nombreux parcs, sanctuaires et surtout ses vieux temples (parmi les plus anciens du Japon), Nara se visite facilement en une journée depuis Kyoto, autre ancienne capitale, située à seulement 40 km.
Plus qu’une journée entière, c’était en fait un ensemble de moments répartis sur 3 journées, mais les heures cumulées correspondent en gros à une journée entière sur place et l’article ci-dessous se concentre sur les visites principales, impliquant notamment la rencontre avec les fameux cerfs en liberté parcourant une partie de la ville.
Kōfuku-ji
Du fait de notre sortie plus longue que prévue vers les plantations de thé de Wazuka en matinée, ce n’est qu’en début d’après-midi qu’on entame les visites des vieux temples de Nara. Et c’est plus précisément par le complexe du Kōfuku-ji, un temple bouddhiste de premier ordre qu’on commence.
Comme on venait de faire du vélo et qu’il faisait beau, on est passé vite fait à notre hôtel prendre une douche, faisant encore perdre quelques précieuses minutes de visites. En longeant principalement la rue Sanjo dori depuis notre hôtel (le Guesthouse Nara Komachi), on arrive au pied des escaliers menant à l’ensemble des bâtiments composant le complexe de Kōfuku-ji.
Si on résume l’histoire de ce temple, Kofukuji était le temple familial des Fujiwara, le clan le plus puissant pendant une grande partie des périodes Nara et Heian. Le temple est fondé dès 669, initialement dans le quartier de Yamashina à Kyōto et il portait alors le nom de Yamashina-dera. Après un passage par la ville temporaire de Fujiwara, le temple est déplacé à Nara en même temps que la capitale en 710, comptant alors parmi l’un des premiers établissements religieux de la nouvelle capitale. À l’apogée de la puissance des Fujiwara, le temple se composait de plus de 150 bâtiments.
Mais son histoire mouvementée, agrémentée de nombreux incendies a ravagé plusieurs fois les bâtiments d’origine, notamment en 1180 (en même temps que le Tōdai-ji). De ce fait, la plupart des structures actuelles sont des reconstructions s’étalant du XIIe au XVIIIe siècle (et plus particulièrement des époques Kamakura et Muromachi).
Nanendo
C’est d’abord vers la structure octogonal qu’on aperçoit sur notre gauche qu’on se dirige. Appelé nan’en-dō (ou nanendo dans sa version « simplifié »), cette pagode contient une statue considéré comme trésor national. Il s’agit du hall « Sud », par opposition à une autre structure octogonal (le hōkuendō) non loin de là et considéré comme le hall « Nord ». Ces deux halls sont par ailleurs fermé au public (sauf le 17 octobre pour le nanendo, je suis pas sûr pour l’autre).
Si le bâtiment d’origine date de 830, il n’échappe pas aux incendies évoqués plus haut et la version actuelle est une reconstruction de 1789 (le hōkuendō quant à lui date de 1240).
Central Golden Hall (chu-kondo)
Dans la zone entre le nanendo et les autres bâtiments, dont la pagode de cing étages, on peut voir les fondations de précédentes structures qui faisaient partie du complexe du temple. Et sur notre gauche, on voit une grosse structure recouverte, probablement une rénovation en cours me dis-je.
En réalité, il s’agit de la salle principale du temple de Kofukuji, qu’on nommera « la salle dorée centrale » en bon français, par rapport à la traduction anglophone. En japonais, on parle de chū-kondō (pour kondō central). Et je vous le donne dans le mille, elle a été détruite par un incendie en 1717 et reconstruite en 1819 sous la forme d’une réplique provisoire de petite taille. Ce qui était en cours lors de notre visite, c’était donc les finitions d’une reconstruction dans la taille d’origine (rouvert au public en octobre 2018).
Pagode aux cinq étages et to-kondo
Ensuite, nous faisons face à ce qui est un véritable symbole de Nara, la pagode aux 5 étages. Chaque étage symbolise les cinq éléments composant notre monde, avec dans l’ordre, la terre, l’eau, le feu, le vent et le ciel. Avec une hauteur de 50 mètres, cette tour est la deuxième pagode en bois la plus haute du Japon, à peine sept mètres plus courts que la pagode à cinq étages du temple Toji de Kyoto. Juste à côté se trouve l’un des bâtiments principaux du temple, le to-kondo (littéralement kondō de l’est mais aussi appelé « salle dorée de l’est »).
La pagode et le to-kondo ont tout deux été érigés en 730, mais histoire mouvementée oblige, les deux structures ont été incendiée et détruite pas moins de 5 fois entre 1017 et 1411 (dont plusieurs frappées par la foudre). Reconstruites à chaque fois, les versions actuelles datent respectivement de 1415 pour le to-kondo et 1426 pour la pagode aux cinq étages.
National Treasure Museum
À côté du to-kondo se trouve un bâtiment plus récent (de 1959) abritant le kokuhōkan (ou « musée des Trésors nationaux »). Ce dernier inclut des statues, tableaux, livres et documents historiques qui ont été désignés comme « Trésor nationaux » ou à défaut, considérés comme d’importante propriété culturelle.
Et si l’entrée du temple Kofuku-ji est gratuite et possible 24h/24, le musée ainsi que le to-kondo font partie, avec le nouveau hall central, des zones payantes.
Rencontre avec les cerfs de Nara
Notre prochaine étape, l’imposant Tōdai-ji, situé plus à l’Est du Kofuku-ji, ça tombe bien, son nom veut dire « grand temple de l’Est » (mais la traduction peut aussi être comprise par « grand temple du Levant », le soleil se levant à l’Est). Pour nous y rendre, on descend les quelques marches de retour sur la rue Sanjo dori et on part sur la gauche, puis tout droit sur 800 m (300 jusqu’à un croisement, puis encore 500 m sous une allée piétonne entourée d’arbres). Jusqu’alors on n’a pas encore croisé de cerfs bien qu’il soit possible d’en voir autour du précédent temple.
Au bout de l’allée, on tourne à gauche et c’est là qu’on croise notre premier cerf, en train de traverser tranquilou la route. Pour comprendre la relation entre la ville de Nara et les cerfs, il faut comprendre que ces derniers sont considérés comme des animaux divins et protecteurs de Nara (et de tout le Japon en fait). De ce fait, les habitants devaient autrefois s’incliner devant leur passage, en signe de respect et en tuer était passible de la peine de mort (jusqu’en 1637, donc ça date hein).
La raison étant la légende autour de la divinité Takemikazuchi. On dit qu’elle apparue monté sur un cerf Sika (typique d’Asie), blanc et ailé, et vint prendre position sur le mont Wakakusa (aussi connu sous le nom de mont Mikasa) pour assurer la protection de Heijo-kyo (l’ancien nom de Nara). De nos jours, on comptabilise plus d’un millier de cerfs considérés comme apprivoisés mais errant en liberté dans la ville, principalement vers le parc de Nara (crée en 1880 et qui s’étend sur 502 hectares).
Alors qu’on arrive sur la zone, beaucoup d’étudiants sont de sortie. Et apparemment, le « jeu », c’est de leur donner des friandises (des genres de biscuits salé, vendu 200 ¥ pièce), notamment en le mettant dans sa bouche, que le cerf va venir chercher... On remarque bien vite que les cerfs sont plus que familier avec les humains et pas stressés par leur environnement, même urbanisé. Ils déambulent çà et là, du fait de la proximité avec le parc de Nara, regroupant un grand nombre des cervidés. Ils se posent un peu partout jusque devant les boutiques de souvenirs qu’on trouve là, avant d’atteindre la grande porte Sud, menant au Todai-ji.
Tōdai-ji
Alors qu’on s’approche de Todai-ji se dresse devant nous l’imposante porte Sud Nandaimon, une porte massive en bois, surveillée à l’intérieur par deux grandes statues de huit mètres faisant office de gardiens (ajoutés en 1203, en même temps que la reconstruction de la grande porte de Nandaimon). C’était à l’origine l’une des entrées du temple, le mur d’enceinte l’entourant n’existant plus.
En plus des étudiants, on croise quelques moines en robe orange, de leur accent, des moines laotiens ou Nord-est de Thaïlande. Il faut savoir que le Todai-ji est toujours utilisé comme centre des écoles Kegon et Ritsu, deux branches du bouddhisme japonais, mais toutes les branches y sont étudiées. Le temple étant toujours actif, sa communauté de moines poursuit les rites et cérémonies quotidiennes ou annuelles nécessaires.
200 m après la porte, on passe à côté d’une petite étendue d’eau, où se trouve une petite île avec un Torii shinto, l’étang du Miroir. Ce dernier se trouve à côté de la porte intérieur du Todai-ji (appelée Chūmon), près de laquelle se trouve le comptoir pour les tickets menant à la pièce maîtresse du temple, le Daibutsu-den.
Le tout date de la dernière reconstruction. Oui, parce que je ne vais pas faire durer le « suspense », mais le Todai-ji, dont la construction originelle date de 752, a brûlé, comme bon nombre de temples à Nara… Il a été entièrement reconstruit par deux fois, une première fois au XIIe puis au XVIII. Le Daibutsu-den, est donc le résultat de cette dernière reconstruction, achevé en 1707.
Daibutsu-den
Et là, je dois avouer qu’en arrivant sous le cloître et apercevant alors le Daibutsu-den, je me prends une véritable claque visuelle. Il faut savoir qu’avec ses 57 mètres de long (et 50 de large), le bâtiment en impose, mais le plus impressionnant dans tous ça, c’est de se dire que la structure actuelle n’est qu’aux deux-tiers de sa taille originelle. Le Daibutsu-den repose aujourd’hui sur huit travées de piliers quand il en faisait à la base douze (donc on peut estimer une longueur de 85 mètres !).
Et malgré cette taille « réduite », il n’en reste pas moins à ce jour, la plus grande construction en bois du monde, et se trouve donc sans surprise, inclut comme Patrimoine mondial de l’Unesco. Et qui dit bâtiment imposant dit, statue imposante. Le Daibutsu-den abrite une statue colossale de 15 m en bronze (18 m en comptant le piedestal), pour un poids estimé de 430 tonnes. Il est important de souligner que cette statue, si elle remonte bien au VIIIe siècle, nécessita elle aussi plusieurs rénovations, en raison des dégradations et incendies subit.
Déjà en 855, sa tête tomba suite à un tremblement de terre et dut être replacée, mais on considère qu’il ne reste du Grand Bouddha original qu’une partie du piédestal et des genoux, tout le reste résultant majoritairement de la restauration de 1692. Concrètement, la statue représente le Bouddha Vairocana en position assise, appelé Daibutsu. Cela se traduit par « Grand Bouddha » et par déduction, on comprend que Daibutsu-den se traduit donc par la salle du Grand Bouddha.
À ses côtés, se trouve une statue de Kokûzô (aussi appelé Akashagarbha) de 13 m, autre figure bouddhiste. Également présentes dans l’enceinte du Daibutsu-den, deux statues en bois de rois célestes, en charge de la protection des temples bouddhistes au Japon. Originaires de Chine, les Quatre Rois célestes sont les gardiens des horizons et de la loi bouddhique, un roi pour chaque point cardinal.
Au Todai-ji, on en retrouve que deux. On a ainsi à gauche, Komoku-ten (Virūpākṣa en sanskrit), roi de l’Ouest, « celui qui voit tout ». À droite, une statue de Bishamon-ten, le roi gardien du Nord (aussi appelé Tamon ten en japonais ou Akashagarbha en sanskrit), défenseur de la loi bouddhique et protecteur de la prospérité.
Au moment de notre visite, on arrive à la fermeture, donc ça commence à se vider, ce qui est pas déplaisant. La lumière du soleil de fin d’après-midi filtre à travers les barreaux en bois faisant office de fenêtres. Au fond, on peut voir une maquette (du début du siècle dernier) synthétisant l’allure globale de la salle du Grand Bouddha et ce qui l’entouraient. À savoir deux grandes pagodes de sept étages, aujourd’hui disparus et dont on ne peut qu’apercevoir comme seule trace une petite butte dans le parc de Nara à côté.
Hokke-dō et Tamukeyama Hachiman, vestiges d’origine
Et justement le parc, on y arrive, mais avant ça, on va malgré la fermeture en cours, jeter un œil aux bâtiments annexes. L’heure tourne et le majestueux temple s’apprête à prendre du repos pour la nuit. Alors encore dans la grande salle, on s’arrête vite fait à la boutique de souvenirs (je suis surpris qu’elle se trouve dans l’enceinte même du Daibutsu-den). En sortant de la zone, on longe à l’extérieur le cloître jusqu’à des escaliers. On est alors dans une zone boisée, où bien évidemment, des cerfs se reposent là, à l’ombre et à l’écart des touristes (même si peu présent à cette heure).
C’est là aussi que je me rends compte comme le temps passe vite et que rien que pour visiter le Todai-ji, il nous a fallu, depuis la zone avant la porte Sud, 1h30. Sachant qu’on a loupé pleins de choses, notamment le Nigatsudo Hall et le Shōsō-in. Ce dernier est un ancien entrepôt, aussi appelé salle du trésor (car on y gardait des objets d’art, parchemins importants et autres trésors du temple). Il fait parti, avec le Hokke-do et le sanctuaire Tamukeyama Hachiman, des rares bâtiments du VIIIe siècle subsistants aujourd’hui et donc, gardant leur architecture d’origine.
C’est justement le Hokke-do qu’on aperçoit sur notre gauche en haut des escaliers, avec en face, le sanctuaire Tamukeyama Hachiman.
Parc de Nara (Toto-ato enchi)
Alors que je regrettais, faute de temps, de n’avoir pu été à l’un des autres principaux temples de Nara, le Kasuga-taisha, on traverse la partie nord du parc de Nara pour revenir sur nos pas. C’est la zone concentrant le plus de cerfs, et avec cette belle lumière de fin de journée, le cadre est particulièrement agréable.
On repasse alors devant le lac au Miroir et la porte de Nandaimon, tous deux désertés des touristes. Au lieu de reprendre exactement le chemin inverse de notre venue, on passe cette fois dans le parc entourant le musée national de Nara. C’est là qu’on croise finalement le plus de cerfs regroupés en un seul endroit. Le spot où du coup, les touristes terminant leur journée à Nara, comme nous, s’empressent d’immortaliser le moment, avec le soleil couchant en bonus.
Bonus resto + café
Et justement du bonus, je vous en donne. Pour clôturer cette journée, et comme on avait faim, on part direct dans la foulée dans un restaurant repéré la veille, le Kamaya, qui sert des okonomiyakis, sorte de crêpe japonaise qu’on prépare devant soit sur une plancha.
Pour l’anecdote, je mets ça en « bonus « , car généralement, je ne parle pas trop resto et bouffe sur le blog. D’abord parce qu’y’a généralement tellement de choix que j’ai tendance à privilégier la découverte par soi, et ensuite parce que c’est tellement sujet à changement que j’ai souvent peur que l’info deviennent vite obsolète. Entre les changements d’adresse, les fermetures temporaires ou définitives, le changement de chef impliquant un moins bon service, etc. Bref, les paramètres sont multiples, alors cette fois, l’info est là, faites en ce que vous voulez !
Et alors qu’on rentre à l’hôtel, on craque à 400 m de ce dernier pour un petit dessert en passant devant un café, où l’on s’assoit de manière traditionnelle (sans chaise), le café Cojica.
Nara, un immanquable dans la région de Kansai ?
En conclusion de ce (trop) court séjour à Nara, je dirais que rien que pour le temple Todai-ji et son impressionnante salle du Grand Bouddha, le déplacement, que ce soit depuis Kyoto ou Osaka, vaut le coup. Et de notre expérience, une journée complète sur place, si elle peut être suffisante, peut aussi s’avérer juste si vous comptez vraiment vous plonger dans l’histoire de cette première capitale et faire le tour des principaux sites. Je dirais que ça dépend si vous êtes du genre à juste regarder « normalement » et passer ou comme moi, à traîner, observer, prendre beaucoup de photo et mettre une heure pour une visite qui en prendrait moitié moins.
L’avantage, c’est que l’essentiel à voir à Nara est regroupé autour du parc de Nara et au pied de la montagne Wakakusa. À la base, avait prévu outre, le Kasuga Taisha évoqué plus haut, de visiter également le jardin Isuien, jouxtant le Todai-ji. On prévoyait aussi (on était gourmand…) de faire un tour sur la montagne Wakasuka mais là clairement, avec notre visite de Wazuka, c’était pas possible…
Après, si vous voulez explorer un peu plus la région, outre Asuka, un village qui précéda Nara comme centre politique et religieux au VI et VIIe siècle, ne loupez pas le temple Horyuji, qu’on avait à l’origine programmé dans notre itinéraire... Fondé dès 607, ce dernier n’a pour le coup jamais brûlé et de ce fait, Horyuji contient les plus anciennes structures en bois du monde, en plus d’être l’un des plus anciens temples du pays. Ce temple est situé près de Yamatokōriyama (7 km mais une ligne de train passant de Nara jusqu’à Osaka passe à proximité du temple avec un arrêt dédié), une localité au Sud-ouest de Nara.
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