Uthai Thani : Hup Pa Tat, la jungle perdue du jurassique
Niché au coeur d’un réseau de petites collines de calcaire, Khao Pla Ra Mountain, dans la province d’Uthai Thani, Hup Pa Tat est une curiosité locale. En effet, il s’agit là d’un gouffre, ou plus exactement, une grotte dont le plafond s’est effondré.
Oui, alors dit comme ça en intro, vous allez me dire, bon un gouffre, c’est pas si « curieux que ça ». Mais ici ça l’est quand même, de par la nature des plantes y siégeant et de par le paysage autour.
Pour rentrer un peu dans le détail, Hup Pa Tat est un site situé à 50 km à l’ouest de la ville d’Uthai Thani, peu avant d’arriver dans la zone montagneuse de la province. C’est un nom à consonance marrante prononcé à la Française, mais qui a une signification évidente en Thaï.
- « Hup » peut se traduire par vallée, ou même « enfermé », donc vallée enfermée en somme, ce qui dans un sens plus large, définit un gros trou ou cratère, donc un gouffre en bon français.
- « Pa » signifie jungle ou forêt.
- « Tat » serait le nom Thaï pour désigner l’Arenga Pinnata, une plante de la famille des palmiers que l’on retrouve ici en abondance.
Donc très pragmatiquement, « Hup Pa Tat » désigne tout simplement ce qu’est le lieu « une jungle d’Arenga Pinnata dans un gouffre ».
Welcome to Jurassic Park
Pour résumer, Hup Pa Tat est une ancienne grotte dont le plafond s’est effondré, préservant la faune et la flore s’y trouvant de presque toute perturbation extérieure (et en tout cas humaine) depuis des millénaires.
Cet éboulement a permis aux rayons du soleil de midi, de pénétrer l’intérieur de l’espace vide de la cavité, et de ce fait, la possibilité à des plantes de pousser. Cela forme comme un microcosme avec une végétation atypique, car ces conditions particulières, d’ensoleillement partiel et d’humidité élevée, ainsi que l’isolement absolu de l’environnement, ont provoqué une croissance de fougères et palmiers uniques. Si ces plantes étaient communes à l’époque préhistorique, elles sont actuellement plus rares et difficiles à trouver ailleurs. C’est ce qui donne à cette zone « secrète », entouré par des falaises de roche calcaire, le surnom de Jurassique Park Thaïlandais (faut dire aussi qu’ils aiment bien donner ce genre de surnom).
Pour un peu plus précis, la géologie de ces montagnes est constituée de calcaire dolomitique gris, datant du Permien, dernière période du Paléozoïque, s’étalant entre 245 à 286 millions d’années, donc bien avant le jurassique en fait ! Quand le plafond s’est effondré, les plantes qui se trouvaient sur sa voûte ont finit par repousser. Le calcaire s’étant décomposé, formant une couche de terre fine qui pouvait garder beaucoup plus d’humidité dans le puits nouvellement formé.
Petite histoire d’Hup Pa Tat
Le lieu fut découvert par hasard par un moine, Phra Khru Santithamma Kosol, provenant du temple voisin, le Wat Thom Thong. Ce dernier avait décidé un beau jour de 1979, d’explorer la vallée entourant son temple. En tant que tel, il n’a pas eu à aller bien loin puisque le site se trouve à moins de 500 m du temple (il y a par ailleurs un chemin en béton aménagé entre le temple et Hup Pa Tat).
En s’aventurant le long de la falaise abrupte, il grimpa d’abord avant de descendre dans la cavité, jusqu’alors isolée. En effet à cette époque, le tunnel aménagé par lequel on accède à l’intérieur, n’existe pas encore, il fallait donc en vouloir pour y arriver ! Il fut étonné une fois dans le gouffre d’y découvrir cette jungle, donc il remarqua très vite l’abondance d’un palmier à sucre, considéré comme ancien, le fameux Arenga Pinnata.
Pour simplifier l’accès à cette trouvaille, il aurait lui-même creusé la roche en 1984, donnant ce passage de 70 m par lequel on s’engouffre aujourd’hui pour visiter les lieux.
La même année, le site est mis sous protection de l’Etat pour en faire un lieu écotouristique. Il fait aujourd’hui partie de la réserve faunique de Tham Prathun (Tham Prathun Wildlife Reserved Area), sous la juridiction du département des parcs nationaux. L’avantage est que l’ensemble est plutôt bien entretenu, avec toilettes, boutique souvenir, un café, à manger, mais du coup, c’est payant, au même titre qu’un parc national…
Parcourir la piste d’Hup Pa Tat, à quoi s’attendre
Concrètement, le parking donne à côté de la zone pour se restaurer etc. et à quelques mètres, à côté des escaliers menant au tunnel, vous aurez le coin servant d’accueil et où il faut s’aquitter du droit d’entrée.
Normalement, c’est comme pour un parc national, donc un tarif de 200 Bahts, et c’est bien ce tarif que je payais à ma première visite. Toutefois, lorsque j’y suis revenu récemment en pleine période de Covid, le tarif était réduit à 100 Bahts. Alors à voir si ça va perdurer ou revenir au tarif d’avant quand la normalité touristique reviendra aussi en Thaïlande. Je note au passage que justement pendant la pandémie, j’ai pu constater la baisse des tarifs d’entrées de plusieurs sites, mais j’ai tendance à penser que cela restera malheureusement temporaire.
Vous serez une fois le ticket en main, invité à prendre une lampe torche mise à disposition puisque le tunnel de 70 m n’est pas éclairé. Si vous ne voulez pas vous encombrer, la lampe torche de votre téléphone devrait suffire. Il est alors temps de gravir les quelques marches jusqu’à l’entrée de la percée, ce qui ne prend guère que quelques minutes. Avant de me renseigner pour l’article, j’étais à vrai dire persuadé que ledit tunnel était naturel et il en a en tout cas tous les aspects. En lisant que ça a été creusé artificiellement, je pensais qu’on parlait de la totalité mais en fait, il s’agit que d’une toute petite partie. En plus d’un éventuellement élargissement pour ajouter de la hauteur, la partie réellement creusée à même la roche s’avère n’être que les quelques derniers mètres, au fond de la cavité.
Enfin, qu’importe, nous voilà à l’intérieur, et le moindre qu’on puisse dire, c’est qu’on est accueilli par la moiteur, qui se ressent direct, en plus d’une température naturellement plus clémente que la chaleur ardente de l’été juste de l’autre côté de la paroi. On est également très vite entouré par les nombreuses feuilles du fameux palmier donnant son nom au site. Nous sommes dans le gouffre, les parois qui nous entourent font alors entre 150 et 200 m de hauteur.
On s’engage sur le chemin et c’est parti. Outre l’Arenga Pinnata, on croise différentes espèces dont un panneau indique généralement ce qu’il en est. Il y a par exemple des ficus benjamina ou des banians au large tronc. Pour ce qui est de la faune locale, on peut y croiser des petites tortues allongées, ce que j’avais la chance de voir (il faut être observateur, tellement elles se fondent dans le décor), la seconde fois, j’avais droit à la présence d’un genre de faisant sauvage, très bavard au demeurant. Plus rare, car visible qu’en saison des pluies, mais particulièrement unique, on peut y voir ici des mille-pattes roses (Desmoxytes purpurosea aussi appelé mille-pattes dragon). Pas le plus charmant des animaux, mais cette espèce (venimeuse de surcroît), découverte en 2007 seulement, n’est visible nulle part ailleurs dans le monde.
Arrivé à un moment du chemin, on s’aperçoit que le gouffre est en fait composé de deux parties, séparé pour ce qu’il reste de la grotte d’origine. L’occasion de croiser quelque stalagmite-tite, et même une imposante colonne. L’autre partie étant similaire à la première, le tour est vite fait. Le chemin longe pendant quelque mètres la falaise, l’occasion de lever le nez et de voir la hauteur nous séparant de « l’extérieur ».
Pour revenir aux escaliers menant au tunnel, et donc la sortie, le chemin passe de l’autre côté du gouffre, faisant une boucle complète de 700 m.
Khao Pla Ra Mountain
Si vous êtes dans le coin, je vous invite à continuer à longer la montagne car le paysage est agréable à voir. Khao Pla Ra Mountain est un réseau de 5 petites montagnes, toutes en calcaire, avec une élévation au dessus du niveau de la mer variant de 100 à 529 m.
Si vous cherchez de quoi vous restaurer ou faire une pause, en dehors de l’accueil d’Hup Pa Tat, vous y trouverez votre bonheur. Depuis ces dernières années, plusieurs homestays, cafés et restaurants sont venus s’installer dans les parages pour faire profiter des lieux.
Les deux fois je m’arrêtais au Ban Chai Khao – Thai-Switzerland, qui par ailleurs, est un verger de mangues, en plus de pouvoir vous cuisiner un petit quelque chose, même si dans mon cas, ce n’était que pour profiter de la vue avec la plateforme qu’ils ont mis en place (dont l’accès est libre). Je m’aperçois de la différence d’ambiance du fait de venir à une saison différente (novembre à gauche, mars à droite).
Pour manger, c’est au Bike Camp que je testais un arrêt. Le choix y est très limité, donc ça convient pour un snack, petite faim ou à défaut, café et dessert. Mais le cadre est chouette, bien aménagé au pied de la falaise.
Sinon avant d’arriver à Hup Pa Tat, je l’évoque plus haut, vous pouvez faire un petit stop au temple grâce auquel la zone s’est développée, le Wat Tham Thong. Là aussi, le changement de saison donne un rendu vraiment différent. En mars, la 2e fois, on pouvait voir les arbres en fleurs sur le bas-côté de la route (comme partout dans le pays d’ailleurs), ce qui est du plus bel effet.
Novembre à gauche, mars à droite.
Après le temple en lui-même a peu d’intérêt, mais côté falaise, vous pourrez y voir une cavité avec un grand bouddha allongé et d’autres statues du sage.
Infos utiles
L’article vous a plu ? partagez sur le Pinterest !