Visite du Parc du Bouddha : péripéties d’une journée le long du Mékong
Avec près d’une semaine à consacrer à Vientiane, je ne pouvais décemment pas passer à côté du célèbre Parc du Bouddha, ou Xieng Khuan pour les « intimes ». Bien qu’étant considéré comme incontournable, je n’avais pas eu l’occasion ni réellement la motivation de m’y rendre à ma dernière visite de la capitale.
Ce parc et jardin, qu’on peut volontiers qualifier d’atypique est niché à 25 km à l’Est de Vientiane. M’y rendre m’a réservé une journée pleine de surprises, justifiant ainsi un article dédié.
Le contexte
Comme évoqué en intro, lors de ma première venue à Vientiane, j’avais zappé le parc du Bouddha, pour plusieurs raisons. Tout d’abord son éloignement, certes relatif (25 bornes c’est pas non plus la fin du monde) mais manquant de temps, c’était un choix facile. L’autre raison étant que le site, avant tout contemporain, est sujet à controverse ou à défaut, divise les avis et me semblait par conséquent moins important à voir. S’il est tantôt perçu farfelu, trop moderne, voire sans intérêt, on peut aussi y apprécier la dévotion et l’esprit artistique de son auteur.
Comme j’avais du temps, la question ne se posait plus, il fallait que j’aille voir la version d’origine, puisque j’avais déjà vu son alter-ego thaïlandais de Nong Khai, le Sala Keoku, et me faire ma propre idée sur ce qui reste un incontournable à Vientiane. Le plan était donc de tracer vers le parc du Bouddha et de m’arrêter à un café posé au bord du Mékong sur le chemin du retour.
Louer un scooter à Vientiane
Petite parenthèse pour évoquer mon moyen de transport. Étant un adepte du voyage en indépendant, c’est tout naturellement que je voulais louer un scooter à Vientiane dès mon arrivée dans la ville. Problème, comme j’y venais à la base pour renouveler mon visa, j’avais donc laissé mon passeport à l’ambassade. Or, j’ai vite compris que comme dans certaines zones touristiques de Thaïlande, il est compliqué de louer sans laisser son passeport en caution…
L’un des loueurs repéré, Kong’s Motorbike rental, dont le proprio est a priori un Indien, me dit que c’est possible, à condition de laisser une caution en cash. Sur le moment, je me dis Ok, c’est normal et je demande alors combien… j’ai vite déchanté en entendant le montant… Dans cette peur du vol de bécane, le montant de la caution équivaut au prix de la moto ! J’ai certes très envie de louer, mais sortir autant de liquide ne m’enchante pas des masses donc je laisse tomber…
Même chose chez un loueur non loin dans cette même rue, pas de passeport, pas de location. Je m’apprêtais à laisser tomber l’idée de louer et revenait dans une rue proche de mon hôtel (le Phongsavath Boutique Hotel) pour manger et me changer les idées. C’était un bon restau français soit dit en passant, le Tango Restaurant. Il y en avait d’ailleurs plusieurs autres dont un autre que j’ai testé plus tard, aussi très bon, La Terrasse.
C’est en longeant cette rue après mangée que je passais devant un premier loueur, Mixay Bike, qui rebelote ne loue pas sans passeport. Et quelques mètres plus loin, un autre petit loueur local, sans nom, juste à côté d’un restaurant japonais que je testerai également plus tard, le Don Don Sakaba. Si je détaille, sur le moment, j’ai encore tenté ma chance sans espoir en demandant à un gars devant si c’est faisable et là surprise, le gars me dis ok, la caution est de seulement 500 000 kip et il veut juste une copie du passeport en plus, que j’ai heureusement en photo sur mon téléphone.
Sur le moment je me disais vu l’heure et mon programme du jour, je repasserais demain. Sauf qu’après ma promenade digestive et une pause café (au Naked Espresso Misay) , je me disais que même cet après-midi ça pourrait être utile. Je revenais donc vers ce petit magasin de location dont j’apprendrais le nom en signant le contrat « BIG ISLAND CAR RENT« .
Erreur d’aiguillage
Comme évoqué dans le paragraphe « contexte », je prévoyais à la base de me rendre au parc du Bouddha direct et sur la route du retour, faire un crochet sur une boucle longeant le Mékong, histoire de m’arrêter manger dans un petit café au bord du fleuve. Pour être plus explicite, je vous mets une carte ci-après, en bleu, c’est le trajet direct que je pensais effectuer à l’aller, et en bordeaux, le trajet que je me suis finalement retrouvé à emprunter (qui correspond à peu près à ce que je voulais plutôt faire au retour, avec la partie verte en plus).
Quand j’avais regardé le parcours la veille, j’avais juste l’impression qu’il fallait plus ou moins suivre la route principale. Lorsque je suis arrivé à un rond-point, ma logique me disait de tourner à droite, pour aller plus au sud, car en fait, je ne pensais pas être déjà au niveau du carrefour où fallait que j’aille vers l’Est (ce qui, au niveau du rond-point, donnait plus l’impression d’aller vers le nord). De plus, il faut savoir qu’en gros au Laos, dès que vous quittez une route principale, elle devient vite défoncée, avec des nids de poule, voir carrément plus goudronné, donc je pensais que si je m’éloigne, j’allais vite m’en rendre compte…
Hors là, alors que je poursuivais ma route, c’était une belle route bétonné donc j’étais persuadé d’être sur le bon chemin. En revanche, j’ai une bonne mémoire photographique (et pourtant d’ordinaire un bon sens de l’orientationaussi), donc je me suis fait la réflexion au bout d’un moment que je reconnaissais rien. J’ai donc fini par vérifier la route sur le GPS, et ça faisait déjà plus de 7 km que j’avais passé le rond-point, donc ça ne valait plus le coup de revenir en arrière. Je me suis dis, « pas grave, je vais juste faire mon circuit à l’envers par rapport avec ce que j’avais prévu et finir la boucle ».
Le café où je voulais par la suite m’arrêter étant aussi le long de cette boucle, je me disais que je repasserais juste par là au retour au lieu de la route principale. Bref, je continue ma progression et dépasse plusieurs temple dont un où j’hésitais à m’arrêter mais poursuivais sur le moment ma route. Arrive un petit embranchement 1,6 km après le temple et là, je constate que la route commence à sérieusement se dégrader.
Par conséquent, je regarde de nouveau la carte. Si vous jetez un oeil à la carte au-dessus, j’étais déjà engagé sur la partie en verte. Je vois qu’en prenant une route intermédiaire à côté du temple, il est possible de couper (ce qui correspond à la ligne en bordeaux donc). Cette route évite la boucle verte qui rallonge le parcours de 4 km, c’est pas énorme mais pour éviter la répétition, je me disais que j’irais sur cette partie-là au retour plutôt.
Première panne
Je fais demi-tour et reviens à hauteur du temple, et tant qu’à faire, je me dis autant m’y arrêter faire quelques photos. Je tiens à préciser que jusqu’alors, à part que le scooter cale facilement quand il tourne au ralenti (genre aux arrêts feu rouge), je n’ai pas rencontré de problème en particulier.
Je fais mes quelques photos tranquillement, dans ce petit temple de campagne assez photogénique (ວັດຫໍຜ້າ, Vat Ho Pha si on retranscrit son nom). Je jette un oeil à l’intérieur, où sont en train de se détendre de jeunes moines, au frais, et collé à leur téléphone…
Puis je remonte sur la bécane, tourne la clé, appuis sur le démarreur, et là rien, niet, pas un bruit aucune réaction. Je remarque que l’aiguille d’essence ne bouge même pas et estime assez rapidement que la batterie doit être à plat. J’essaye quand même de démarrer au kick, et…. rien. Je commence à pousser le scooter, d’abord pour me mettre à l’ombre, et réessaye quelque temps à tourner la clé plusieurs fois, sans succès.
Me voilà à pousser le scooter en sortant sur le côté du temple. J’hésitais sur la direction vers laquelle pousser avant d’espérer croiser un réparateur, n’ayant pas fait attention jusque-là si j’en avais croisé… Je commence à finalement pousser vers la gauche pour revenir vers la route principale en béton, par laquelle j’étais arrivé. Mais j’ai pas eu à pousser longtemps !
Après quelques mètres, un local s’arrêtait à ma hauteur pour me proposer de me pousser. En tant que tel, même si vous ne parlez pas anglais ou lao, c’est une situation explicite et on vous aiderait de la même façon. Dans mon cas, je suis un peu aidé car le lao est très proche du thaï donc je me fais comprendre sans trop de problème. De retour sur la route principal on part à droite et après même pas 1 km, on arrivait devant un réparateur. À peine le temps de remercier le gars qu’il repart aussitôt.
Ça c’est le sens de l’hospitalité, me dis-je !
Ce dernier confirme que la batterie semble morte et me la change illico, ça dure même pas 15 min et j’en ai pour 100 000 kip (même pas 200 bahts donc à peine 5€) et me voilà reparti, soulagé en pensant le problème résolu. Du coup je reviens à hauteur du temple et m’engage cette fois sur la transversale pour m’éviter la boucle entière. Cette petite route s’étale sur un peu plus de 2 km avant d’arriver à un carrefour, correspondant au bout de la boucle verte. Jusque là, tout va bien.
Dès ce croisement, je pars vers la gauche pour rejoindre la route principale que j’aurais du suivre à l’origine, sachant qu’il reste moins de 5 km pour se faire. En revanche, c’est direct un chemin de terre, assez défoncé, donc j’avance assez doucement. Comme à mon habitude et c’est aussi pour ça que j’aime circuler en scooter, c’est facile de s’arrêter vite fait pour faire des photos. Je m’arrête une première fois, rien à signaler, le scoot cale pas et je repars.
Deuxième panne
Deuxième arrêt, alors que je trouve la section entourée d’arbre photogénique. Le scoot’ cale. Ok, pas grave, je reste confiant, je fais ma photo, « clic » et réappuie sur le démarreur, sauf que là, aïe… Rebelote, je n’ai rien, aucun bruit, ça démarre plus… Là par contre, c’est plus délicat, car je suis dans une zone avec peu de passage et peu d’habitations… Je réfléchis quelques secondes, hésites à revenir jusqu’au précédent réparateur, je sais qu’il y a au moins 3 km, en plus de me faire revenir en arrière, sinon je tente l’autre côté, où je sais qu’il faut 4 km pour rejoindre la grande route.
Même si c’est un peu plus long, je choisis cette 2e option et me revoilà à pousser la bête… Là encore, ça n’a pas durée très longtemps, avant qu’une nana cette fois, s’arrête pour me proposer de m’aider. Y’a fallu me pousser sur 2 km environ avant de tomber sur un premier garage à moto, malheureusement sans son garagiste… Heureusement, y’en avait un autre en face à quelques mètres. Soulagé, je remercie encore une fois ma sauveuse, qui repart également très vite sans attendre quoi que ce soit en retour.
Premier réflexe du garagiste, jean troué bien sale, et débardeur laissant transparaître des tatouages le long du bras, c’est de vérifier la batterie, dont je lui explique pourtant qu’elle vient d’être changée y’a moins d’une heure. Et effectivement, c’est pas la batterie le problème. Là, ça se complique un peu, je m’assoie alors que le père rejoins son fils et commence à démonter mon pauvre Yamaha Fino au bout du rouleau.
Ils tâtonnent, testent et finalement, trouve un câble défectueux qu’ils me remplacent. Ça aura pris une bonne demi-heure, coûté 150 000 kip supplémentaire (moins de 300 bahts, à peine plus de 7 €) mais me voilà enfin reparti, cette fois pour de bon, et j’arriverai au parc du Bouddha avec plus de 2 h de retard sur ce que j’avais planifié… Je peux remercier la solidarité des Laotiens car c’est le genre de galère qui aurait pu vite faire perdre une journée. Et comme je suis un gars sympa, j’ai rien dis au loueur en lui faisant cadeau des réparations…
Le Parc du Bouddha
Je l’évoquais déjà dans mon article dédié à la visite de Vientiane, mais pour rappel, ce parc original est la création d’un artiste / spirituel nommé Bunleua Sulilat. Ce dernier aurait rencontré dans sa jeunesse un ermite appelé Keoku (d’où le parc en Thaïlande, Sala Keoku, voir juste après) et décida de poursuivre un apprentissage auprès de ce dernier. Avec une personnalité excentrique et une foi mélangeant les religions Hindouiste et Bouddhiste, Bunleua Sulilat se lance en 1958 dans la création d’un jardin où il commence à faire sortir de terre des sculptures en béton représentants des divinités et personnages de mythologie local.
Pour la petite histoire, son créateur s’inquiéta de la tournure politique des années 70 et fuya vers la terre de ses origines, Nong Khai, situé juste en face en Thaïlande. 20 ans après sa première création, il y construisit un nouveau parc, Sala Keoku, à seulement 3 km à l’Est de Nong Khai, cet emplacement est probablement du au fait d’être pratiquement en face de sa version laotienne. Il y avait beaucoup de monde lorsque j’arrivais, notamment des groupes de Chinois, mais heureusement, la plupart partaient et je n’ai pas trop été gêné par la foule.
En pénétrant dans la zone où se trouvent les différentes sculptures, j’ai très vite l’œil attiré vers une espèce de boule géante affublée d’une antenne au sommet. Pourquoi ? Parce que j’y vois des personnes au sommet. Je me dis alors que c’est un spot idéal pour avoir une vue globale sur le site et commençais donc ma visite par là.
J’ai halluciné devant l’étroitesse, et même limite la dangerosité des escaliers permettant d’atteindre le dessus de cette structure, sans barrière sans protection. L’intérieur est rempli d’une foultitude de personnages, réparties sur plusieurs étages. C’est assez sombre et glauque. Le trou final pour sortir sur le toit est vraiment pas large, à tel point qu’il faut sévèrement s’accroupir pour en rentrer et sortir, en somme, ce n’est clairement pas à la portée de tous.
Le reste du parc est un ensemble de personnages de tailles et allures diverses, l’une des pièces maîtresses étant un long Bouddha couché, proche de l’entrée. Beaucoup de locaux ont l’air d’apprécier les lieux, notamment pour faire des photos en familles, mais c’est aussi là que je croisais le plus de touristes européens (même si y’a pas foule non plus). C’est assez rapide d’en faire le tour et il me semble même qu’il soit plus petit que le Sala Keoku en Thaïlande.
En revanche, je le trouve mieux aménagé, plus fleuri et en dehors des sculptures, moins bétonné. Si on oublie l’aspect moderne et excentrique, ça reste sympa de s’y balader, même si au final, il faut autant de temps sur place que de temps pour y accéder depuis le centre-ville.
Après ce qui compense un peu, c’est qu’à l’arrière, donnant sur la rivière Mékong, au bord duquel se trouve ce parc, vous aurez un joli jardin ainsi qu’un restaurant. Il est donc possible de se restaurer sur place en profitant d’une vue sur la Thaïlande située juste de l’autre côté.
J’ai aussi pu voir que d’un parc à l’autre, des statues similaires ont été construites, ne voici un exemple en dessous, à gauche vous avez sa version au Sala Keoku et à droite, celle du parc du Bouddha de Vientiane :
Coff and Farm, le café huppé du coin
Après avoir passé un peu moins d’une heure dans le parc, je reprenais la route pour repartir vers ma zone de galère. En comptant quelques stops pour faire des photos (notamment pour prendre la rive de Nong Khai juste en face ou encore des vaches qui traverses la rue tranquilou), il me fallait une demi-heure environ pour arriver à hauteur du café. S’il y avait bien quelque panneaux proche de ce dernier, heureusement que j’avais le GPS, car c’est pas évident à trouver.
Faut s’enfoncer dans un des villages qui borde le fleuve, par lequel j’étais passé à l’aller, et je me retrouve de nouveau sur un chemin de terre, puis j’arrivais enfin au bord du Mékong d’où je peux voir une île au milieu de la rivière, qui appartient à la Thaïlande si je m’en tiens au tracé de la frontière.
Les berges sont bordées de sable, on se croirait presque à la plage. En voyant le café, je m’apprêtais à couper à travers le sable pour rejoindre le parking. Des locaux présent à la terrasse sous un arbre, qui donne sur la berge, me font signe de faire le tour. Le temps de faire ça, je vois justement une voiture qui a voulu aussi couper comme moi en allant tout droit en sortant du parking, et s’est retrouvée embourbée… Heureusement, avec quelques mains, cette dernière a vite été sortie d’affaire.
Il faut voir qu’à ce moment-là, j’avais toujours pas déjeuné alors qu’il est déjà 16 h… Autant dire que j’avais bien la dalle. J’avais pourtant cru voir qu’ils faisaient à manger, donc je vous raconte pas ma déception en m’apercevant qu’il n’y avait guère que des nouilles instantanée et quelques pâtisseries… Je me consolais en espérant un bon café (froid, comme à mon habitude) et prenais en complément un croissant et une tartelette à l’œuf.
Et si jusqu’à présent, je n’avais pas eu de bons cafés (je parle de la boisson, pas du lieu), j’ai enfin trouvé mon bonheur. Et bon dieu que ça faisait du bien ! À crapahuter avec cette chaleur, ça m’a fait du bien de m’asseoir et de pouvoir grignoter quelque chose, aussi léger que c’était.
Comme c’était plaisant, j’y ai traîné une heure, le temps de siroter ma boisson, et observer l’ambiance locale. L’essentielle de la clientèle est jeune et branchée. Il faut dire que le cadre est chouette, avec vue sur le Mékong, une ferme à côté et un joli jardin devant le bâtiment construit avec des bambous.
C’est le genre de café branché qu’on croise de plus en plus souvent en Thaïlande, mais qui pour le Laos, reste, je pense, encore assez rare, mais facile de comprendre pourquoi ça plaît. Une fois rassasié, il était temps de repartir, car je voulais éviter de rouler trop tard, avec le soleil couchant approchant, et revenir à Vientiane avant la tombée de la nuit.