Visiter la maison de Jim Thompson – un havre de paix au cœur de Bangkok
La maison de Jim Thompson est un musée, mais avant tout une véritable maison à l’origine, celle de l’homme d’affaires américain dont la maison porte son nom. Si vous planifiez une visite à Bangkok prochainement, vous aurez probablement entendu parler de ce lieu. Sa particularité est d’offrir un véritable petit oasis de verdure en plein cœur de Bangkok, mais aussi de voir un exemple de maisons traditionnelles Thai, le tout avec une collection d’objets d’art et anciens, car Jim Thompson était un fervent amateur.
1- La folle histoire de Jim Thompson et origine de sa maison
En fait de « folle », c’est surtout un parcours et un destin plutôt atypique. Ceci vous sera d’ailleurs résumé sur le fascicule qu’on vous donnera en guise de ticket. Considéré comme celui qui a relancé l’industrie de la soie en Thaïlande, Jim Thompson y a un peu atterri par hasard…
Volontaire dès le début de l’entrée en guerre des Etats Unis à la Seconde Guerre mondiale, Jim Thompson est rapidement pris sous l’aile de l’OSS, un organe naissant du renseignement qui allait devenir plus tard la CIA.
Alors qu’il devait être parachuté au-dessus du Cambodge le jour de la capitulation du Japon en Août 1945, son avion se retrouve alors à faire demi-tour et atterrir à Bangkok. Charmé par la ville et ses habitants, il songea dès lors à y rester. Avec d’abord comme premier projet de restaurer un vieil hôtel au bord du Chao Phraya, l’Oriental. Fondé en 1876, c’était le tout premier hôtel de Thaïlande et à cette époque il tombait un peu en désuétude.
Pour l’anecdote, il existe toujours et c’est aujourd’hui le très fameux hôtel de luxe Mandarin Oriental.
Associé à une photographe allemande, le projet sera abandonné, mais il utilisera tout de même l’établissement comme son hébergement principal jusqu’en 1950. Jim Thompson est issue d’une famille aisée, son père travaillait dans l’industrie du textile. Ayant remarqué un essor dans l’industrie de la soie lors de son passage en Syrie pendant la guerre, combiné à la pénurie de textiles d’après-guerre, Jim Thompson, en bon entrepreneur qu’il est, vient alors avec l’idée de faire un projet en ce sens en Thaïlande.
À cette époque, les habitants produisent essentiellement pour un usage personnel, mais Jim Thompson entend bien développer cette industrie pour l’exporter. Connaissant bien les goûts des occidentaux, Thompson introduisit des méthodes modernes pour tisser la soie, ce qui augmenta la production, tout en conservant la base familiale de la structure industrielle.
Ils confectionnent alors des collections qui se vendent bien et se fait un nom, notamment en réalisant des costumes en soie pour des longs-métrages.
Ayant un attrait tout comme son père pour l’architecture et la décoration intérieure (il fera ses études dans le domaine sans pour autant obtenir son diplôme…), il se lance dans la création de sa demeure. Composé de plusieurs maisons en bois de teck, il installa son « nid » au bord du canal, juste en face du quartier où sont installés les tisserands avec lesquels il commença a travailler.
La maison est un habile mélange de plusieurs maisons traditionnelles sur pilotis, en bois de teck, assemblés selon un arrangement à l’occidentale tout en préservant le caractère bien asiatique de ces belles demeures.
Complété en 1959, Jim Thompson y vivra jusqu’au jour de sa disparition, en 1967. Alors en vacances dans les Cameron Highlands en Malaisie, celui-ci ne serait jamais revenu d’une promenade digestive…
Ajouté à cela que Jim Thompson est un fin amateur d’art, il a accumulé plusieurs objets et statues anciennes qui sont exposés dans le jardin et la maison.
2- Comment se déroule la visite de la maison – à quoi s’attendre ?
Une fois vos tickets en main, dirigez vous vers l’autre cour au fond, on vous demandera vos tickets et on vous accompagnera jusqu’au comptoir où l’on va vous définir votre horaire de visite. Généralement, il y a un battement de 5-10 min avant d’effectuer la visite (parfois un peu plus selon le monde).
Ce temps permet de se balader dans le jardin et d’apprécier cette oasis de verdure, vous pouvez éventuellement prendre un rafraîchissement au restaurant à côté. Au passage, si vous voulez déjeuner, c’est aussi une excellente adresse.
La visite commence par l’extérieur, là, les photos sont autorisés. On vous montrera quelques-unes des pièces maîtresses récoltés par Jim Thompson, statues de Bouddha ancienne, vasques chinoise et des panneaux de bois sculpté, également d’origines chinoises, dont il s’inspira pour des motifs de tissus de sa création. C’est un espace ouvert prévu pour des réceptions, mais à l’origine, les maisons Thaïlandaises sont sur pilotis pour protéger les animaux et outils de la pluie, en plus de ventiler la maison par en dessous.
Une fois que vous aurez fait le tour dehors, vous devrez déposer vos chaussures et sacs dans les consignes prévues à cet effet. Pas le peine de prendre vos appareils photo et mobile, les photos sont interdites à l’intérieur.
Vous entrez alors par le hall d’entrée, contrastant avec le style d’usage en Thaïlande, avec notamment son sol en dalle de marbre noir et blanc provenant d’Italie. Une touche pour le coup reprenant le style plus Européen, puisque les maisons traditionnelles n’avaient pas ce genre de configuration, les escaliers de l’entrée étant alors situées à l’extérieur de la maison.
Les fenêtres de la maison d’origine ont été obstruées pour aménager des niches abritant des statues de Bouddha. En montant à l’étage, vous remarquerez les murs couverts de grandes tentures peintes venant de différents temples. Vous passerez ensuite dans l’ancienne cuisine, où sont exposés des benjarong, service de thé traditionnel Thaï joliment décoré. L’occasion de se « rafraîchir » puisque c’est la seule pièce climatisée (moderne, il n’y avait évidemment aucun air-conditionné à l’époque).
La guide (il n’y a que des femmes à ma connaissance) posera régulièrement des questions quant à l’utilité de telle objet, etc. En générale, elles ont des personnalités plutôt fun permettant d’apprécier la visite sans donner un côté trop formel.
Dans le grand salon, dont vous en aurez eu un aperçu en faisant le tour dehors, on vous expliquera alors que pratiquement rien a été déplacé. Car si c’est aujourd’hui un musée, c’était avant tout une habitation, et cette dernière est quasiment resté en l’état depuis la disparition de Jim Thompson.
Informations pratiques
Se rendre à la maison de Jim Thompson
Pour vous y rendre, c’est très simple, direction le terminal de la ligne Silom du BTS, j’ai nommé la station National Stadium. De là, prendre la sortie 1 (Exit 1) et en bas des escaliers dirigez vous vers la gauche jusqu’à croiser la petite rue de Kasem San 2, le musée est indiqué et se trouve au fond de cette rue.
Comme il y a le canal à côté, vous pouvez aussi vous y rendre en bateau depuis Sukhumvit par exemple. Il faut descendre à l’arrêt Hua Chang (si justement vous venez depuis Sukhumvit, vous aurez à changer de bateau à l’arrêt se situant à côté du Central World, Hua Chang sera du coup l’arrêt d’après).
Arrivé à la cour, vous pourrez prendre vos tickets et demander une visite en français (de toute façon, on vous demandera « english or french » par défaut), puis vous pourrez prendre le temps d’observer les cocons de soie exposé pour montrer le processus effectué afin d’obtenir le fil de soie brut.
3- Pour compléter la visite : rendez-vous à Ban Krua, le quartier des tisserands
Pour compléter la visite du musée, je vous suggère de vous rendre au quartier évoqué, qui se trouve en face de ma maison. Pour se faire, revenez sur la rue et dirigez vous à gauche vers le canal et longez le sur votre gauche.
Vous repasserez au passage devant la maison de Jim Thompson et apercevrez des maisons en bois en face. Poursuivez jusqu’à croiser un pont traversant le canal San Saep, où circule des bateaux publics qui font la liaison entre la vieille ville et le centre.
En traversant, vous arriverez à Ban Khrua, une communauté musulmane dont l’histoire avec Bangkok remonte à plus de 200 ans (une histoire intéressante dont vous en avez un bon résumé sur ceux qui composent la communauté de Ban Khrua ici). C’est là que M. Thompson se rendit pour faire appel aux tisserands de la communauté.
Et on y trouve encore au moins 2 maisons produisant des tissus en soie à la main, via des machines en bois complexes. Après avoir traversé le pont, tournez en bas des escaliers à gauche et continuez sur environ 50 m, vous devriez voir un petit panneau indiquant Aood Bankrua Thaisilk sur votre droite, il faudra alors s’engouffrer dans une ruelle et vous reverrez un petit panneau quelques mètres plus loin indiquant la maison.
Éventuellement, vous y entendrez le claquement typique du fonctionnement des tisseuses. Vous que ce n’est pas forcément évident à trouver, voici une carte en plus des explications ci-dessus :
Ne soyez pas timide malgré la barrière de la langue, déchaussez vous et n’hésitez pas à rentrer dans la maison du vieux monsieur.
Celui-ci a travaillé avec monsieur Thompson lorsqu’il était plus jeune (une photo en atteste, voir ci-dessus où Jim Thompson inspecte des fils de soie au bord du canal, le vieux monsieur en question est celui assis à droite et vous verrez cette même photo dans la maison).
Dans la maison (en bois également, mais pas en teck), vous pourrez voir une machine à tisser dont une dame d’un certain âge s’activera peut-être dessus. Ça permet aussi « d’admirer » le bordel ordinaire d’une maison Thai, et de l’autre côté du salon, il y a une machine pour embobiner les fils et quelques exemples de tissus fabriqués ici, sous forme d’écharpes et dessus de table qu’il vend (ça coûte 2 fois moins cher que dans la boutique Jim Thompson, mais les motifs et couleurs ne sont pas forcément attrayant même si parfois, il y en a de beaux spécimens, hésitez pas à jeter un œil !).
Dans l’espace à côté de la maison, vous pourriez sentir une forte odeur émanant des gros seau servant à teindre les fils de soie, qui sont ensuite séchés dans le grenier au-dessus.
4- Autres maisons anciennes à Bangkok
Si les vieilles demeures en bois se font rares, il en existe heureusement toujours. Certaines se sont reconverties en guesthouse/hôtel, tandis que d’autres sont toujours utilisées à titre personnel (on en croise le long des canaux de Bangkok) et d’autres, tout comme le musée Jim Thompson, s’ont ouvertes aux visites.
En voici 2 exemples.
Suan Pakkad Palace
Situé à moins de 2km de la maison de Jim Thompson se trouve un palais royal intéressant. En effet, le palais Suan Pakkad est la première résidence privée reconvertie en musée en Thaïlande. Leurs propriétaires dont la princesse Chumbhot de Nagara Svarga, sont directement liés à la maison principale de la dynastie régnante au royaume Thailandais puisque cette dernière n’était autre qu’une des petites filles de l’illustre monarque Rama V.
Construit dans le style thaïlandais traditionnel et ouvert en 1952, le Palais Suan Pakkad est une combinaison de beaux-arts et d’artefacts anciens de l’époque de Son Altesse Royale le Prince Paribatra Sukhumbandhu, fils de sa Majesté le roi Chulalongkorn, Rama V et sa Majesté la Reine Sukhumala Marasri.
Ne vous laissez pas décontenancé par le bâtiment moderne par lequel vous rentrerez pour payer vos tickets, le reste vaut largement le coup d’œil. Le musée possède une importe collection d’objets anciens, collectés et transmis de génération en génération.
On y trouve des poteries parmi les plus anciennes datant de 4 000 ans, des outils en bronze et bien évidemment son lot de statues et images de bouddha de style et d’époques variées dont les plus anciennes avoisinent le millénaire.
Le reste de la visite n’en demeure pas moins inintéressante. On accède notamment à un jardin, qui contraste avec la ligne de train aérien provenant de l’aéroport qui passe juste derrière. Au fond, se trouve un beau pavillon de laque sur pilotis, rajouté en 1959. Démonté de son emplacement original et possédant de beaux reliefs couleurs or et noir racontant des passages du Ramayana et la vie de Bouddha; ce petit bâtiment affiche pas moins de 450 ans d’existence.
Ces infos sont partiellement une traduction du site officiel (Suan Pakkad Palace), qui regroupe tout l’historique des lieux, mais en anglais uniquement…
Informations pratiques
M.R. Kukrit Heritage Home
Pour une fois point de résidence royale, mais bien d’un particulier, enfin presque… Pas non plus n’importe quelle personne, puisque Mom Rachawongse (M.R.) Kukrit Pramoj fut un homme éduqué à Oxford et possède tout de même du sang royal puisqu’il serait l’arrière-petit-fils du roi Rama II (dont l’acronyme M.R qui indique ce rang dans la hiérarchie royale en Thaïlande).
Fondateur du journal Siam Rath à son retour d’Angleterre, c’était aussi un artiste dans l’âme avec un intérêt dans l’art dramatique, l’écriture (il a écrit plusieurs romans et nouvelles, pièces de théâtre, et poèmes) et même la politique, ce qui l’amena à diriger brièvement le pays au milieu des années 70 (Premier ministre entre 1974 et 1975).
C’était surtout un inconditionnel défenseur des traditions et de la culture thaïlandaise. Sa demeure est un autre très bon exemple de préservation de ses belles maisons traditionnelles en bois de teck, ici composées de 5 bâtiments. C’est le fruit de plus de 20 ans de travail et passion.
La particularité des maisons Thailandaises comme vous aurez pu le remarquer jusqu’ici, c’est qu’elles sont justement faites pour être facilement déplaçables (ils n’utilisaient pas de clous !), ce qui fait qu’on trouve plusieurs maisons de ce type dont leur emplacement d’origine était autre part.
Les différents bâtiments ont donc été achetés séparément à différents endroits autour de la Thaïlande centrale, démonté, et ré-assemblé dans le lieu actuel. Certaines de ces structures sont âgées de plus de 100 ans.. Le tout est posé au milieu d’un jardin regroupant plantes exotiques, petit étang et bonsaï et rend cette visite certainement aussi intéressante que la maison de Jim Thompson.
Informations pratiques
5- Les dangers de la modernisation
Voilà donc quelques bons exemples de conservations de ce qui tend pourtant globalement à disparaître dans un Bangkok en permanente métamorphose, où le moderne remplace trop facilement les maisons en bois (un exemple concret étant le quartier entier derrière le fort Mahakan, qui a été rasé…) Souvent simplement jugées « obsolètes », on oublie souvent le devoir de mémoire et la préservation d’un héritage hautement plus important que cette seule course effrénée à la modernité.
Car être moderne, cela ne veut pas forcément juste dire avoir de beaux immeubles derniers cris design high tech, mais c’est aussi savoir faire la part belle dans l’intégration de l’ancien, sans le dénigrer ou le renier mais au contraire, en le préservant et lui laissant la place d’un passé qui n’a pas à être caché.
Vous feriez bien une petite dose de musée ? Quelle maison avez vous visité ?
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hadrien.alexander
Thank you Romain – That kind of ‘Green’ traditional thai house/s’ boost the energy efficiency of the city of Krung Thep. ?? J THOMPSON House Museum. Petit paradis toujours aussi grisant. Merci du témoignage, de la traduction, des illustrations, de l ‘évasion …
Romain
Bonjour,
Vu la taille non, on ne peut pas dire que ces jardins personnels boost vraiment quoi que ce soit…