
Chiang Mai : 5 temples à voir dans la vieille ville
Quand on parle de Chiang Mai, on pense aux montagnes, aux villages ethniques, à la nature en général et à tout ce que la région peut offrir en termes de paysages et d’excursions. Mais comme c’est la Thaïlande, et puisque j’aborde ici la ville, on pense aussi forcément à ses nombreux temples (je vous en donnais déjà une liste autour de la ville ici). La vieille ville, ce carré délimité par ses douves et ses murailles, en concentre à elle seule plusieurs dizaines. Autant dire qu’on ne sait plus où donner de la tête.
Évidemment, il n’y a pas forcément d’intérêt à tous les voir. Pour une première découverte, je vous propose donc une sélection de 5 temples à visiter dans la vieille ville de Chiang Mai. Répartis un peu partout dans le centre historique, ils permettent de combiner visites culturelles et balade à pied dans les ruelles de la vieille ville.
Les 5 temples sur une carte
Pour vous repérer plus facilement, voici une carte avec la localisation des cinq temples mentionnés dans cet article.
1- Wat Chiang Man
Je démarre avec le Wat Chiang Man, qui n’est pourtant pas celui que je préfère ni même le plus populaire. De taille modeste, il est souvent délaissé et plus calme, car son architecture n’impressionne pas autant que celle d’autres temples. Il n’en reste pas moins un incontournable pour son importance historique majeure : construit à la fin du XIIIᵉ siècle, il est considéré comme le premier temple royal de Chiang Mai.
En effet, lorsque le roi Mengrai — déjà fondateur de l’actuelle Chiang Rai — établit sa nouvelle capitale ici en 1296, avec l’appui de ses alliés Ramkhamhaeng (Sukhothaï) et Ngam Mueang (Phayao), alliance commémorée par le Monument des Trois Rois, il ordonna la construction d’un temple à cet emplacement. Malgré son âge, le Wat Chiang Man reste en excellent état et présente plusieurs éléments typiques de l’architecture lanna.


Dès l’entrée, on remarque le grand viharn orné de motifs dorés finement sculptés. Sa façade riche contraste avec la sobriété de son bâtiment allongé au toit multiple. À l’intérieur, en revanche, le rouge et l’or dominent : colonnes peintes, fresques murales et statues de Bouddha disposées autour d’un autel central composent un décor éclatant. Parmi elles, une image de Bouddha debout tenant un bol à aumônes, datée de 1465, est considérée comme la plus ancienne représentation de Bouddha de Chiang Mai.
L’élément le plus emblématique du Wat Chiang Man est sans doute le Chedi Chang Lom (littéralement le « chedi entouré d’éléphants »). Sa base carrée en briques est soutenue par quinze éléphants sculptés, semblant porter l’édifice sur leur dos. On retrouve ce type de structure à Sukhothaï et à Si Satchanalai, où l’influence sri-lankaise s’est mêlée aux traditions locales. À Chiang Mai, cette déclinaison marque les prémices de ce qui allait devenir par la suite le style lanna.


À droite du viharn principal, un bâtiment plus petit et d’aspect contemporain abrite deux images de Bouddha très vénérées : le Phra Sila, un bas-relief en pierre d’origine sri-lankaise associé au pouvoir d’appeler la pluie, et le Phra Sae Tang Khamani, ou Bouddha de cristal, taillé dans du quartz et considéré comme protecteur de la ville. Le premier est particulièrement honoré pendant Songkran, car il est traditionnellement invoqué pour apporter la pluie avant la saison agricole tandis que le second est considéré comme une image protectrice de la ville, depuis qu’il aurait survécu intact à la conquête d’Hariphunchai (l’actuelle Lamphun) par Mengrai lui-même.
Un troisième bâtiment, à gauche de la cour, complète l’essentiel à voir au Wat Chiang Man. Il s’agit de l’ubosot (salle d’ordination), dont la construction dans sa forme actuelle remonte à 1805. Son accès est généralement fermé, mais il abrite une stèle en pierre du XVIᵉ siècle indiquant précisément la date de la fondation de Chiang Mai.


2- Wat Phra Singh
Le Wat Phra Singh est sans doute l’un des temples les plus photogéniques de la vieille ville. Il doit son nom au Phra Phuttha Sihing, une statue de Bouddha en bronze originaire du Sri Lanka, arrivée à Chiang Mai en 1367. La légende raconte que trois statues identiques furent commandées par des rois cinghalais il y a plus d’un millénaire. Aujourd’hui, trois effigies portent ce nom en Thaïlande : celle du Wat Phra Singh, une autre au Musée national de Bangkok, et une troisième au Wat Phra Mahathat Woramahawihan de Nakhon Si Thammarat — une ville où je me rends régulièrement puisque ma belle-famille en est originaire.
L’origine du temple est légèrement plus ancienne puisque sa construction remonte à 1345, sous le règne du roi Phayu, cinquième dirigeant du royaume Lanna. Il fonda alors ce temple, appelé à l’époque Wat Phra Chiang, pour abriter les cendres de son père. Au fil des siècles, plusieurs bâtiments sont venus s’ajouter, formant le vaste complexe que l’on visite aujourd’hui, qui inclut également un collège. Comme souvent en Thaïlande, l’ancienneté du site ne signifie pas que tous ses bâtiments sont d’époque : beaucoup ont été rénovés ou reconstruits.
Il faut savoir que les temples bouddhistes en Thaïlande ne sont pas figés dans le temps. Leur apparence évolue en permanence : on ajoute de nouveaux bâtiments, on restaure d’anciens, on en démolit parfois. Le viharn principal du Wat Phra Singh illustre bien ce phénomène. En entrant dans l’enceinte, c’est lui que vous verrez en premier.
Pourtant, il ne date pas du XIVᵉ siècle mais du début du XXᵉ : il est l’œuvre du charismatique moine Khruba Siwichai. Ce dernier mena plus d’une centaine de projets, aussi bien religieux que civils (temples, routes, ponts) — on lui attribue notamment la construction de la route menant au Doi Suthep. Cet activisme lui valut le surnom de “moine ingénieur”, et une statue en son honneur se dresse d’ailleurs devant le viharn.


Sa façade rappelle celle du Wat Chiang Man, avec un intérieur plus sobre. Pour une raison que j’ignore, l’accès à ce viharn est la seule partie payante du temple. Comme on peut apercevoir la grande statue de Bouddha dorée depuis l’entrée, ça me suffit car c’est bien le reste du temple le plus intéressant.
Sur la gauche de la cour, vous trouverez le viharn Lai Kham, le bâtiment le plus ancien et le plus emblématique du temple. Il remonte à la fondation du Wat Phra Singh. Ses peintures murales, bien que partiellement abîmées, ont survécu grâce aux restaurations successives et offrent un précieux aperçu du talent des artistes de l’époque. C’est ici que se trouve le fameux Phra Phuttha Sihing, considéré comme la deuxième statue la plus vénérée de Thaïlande après le Bouddha d’émeraude du Wat Phra Kaew à Bangkok.





Perpendiculaire au viharn Lai Kham se trouve l’ubosot, une salle d’ordination qui combine une base en briques avec des murs et une toiture en bois. À l’intérieur, on peut voir quelques vieilles photos de Chiang Mai, ainsi que des statues de moines d’un réalisme saisissant (le musée Grévin devrait en prendre de la graine !).
À proximité, le chedi principal attire immanquablement l’œil. Chaque côté de sa base présente des demi-éléphants sculptés semblant sortir du mur, d’où son nom de Chedi Than Chang Lom, très proche de celui du chedi du Wat Chiang Man. Ce grand stupa est entouré de trois autres chedis dorés plus petits, dont deux abritent des niches avec des images de Bouddha, ainsi qu’un sala (sorte d’abri) richement décoré.


Pour témoigner de l’évolution constante des temples, je me souviens encore de ces chedis dans leur version plus brute, avant que les dorures ne soient ajoutées il y a quelques années. C’est une tendance que j’ai observée récemment : recouvrir les chedis de dorures pour leur donner un côté plus éclatant.


En poursuivant la visite, vous croiserez la bibliothèque Ho Trai, un petit bâtiment surélevé, un peu comme une version miniature du viharn Lai Kham. Il daterait du début du XVIᵉ siècle, même si la restauration la plus importante fut menée à la fin du XVIIIᵉ siècle, sous le roi Kawila. Enfin, anecdote intéressante : des photos des années 1930 montrent qu’à côté de cette bibliothèque se dressait autrefois un chedi de style birman, érigé par un riche négociant en teck birman, mais qui fut finalement retiré en 1961.
3- Wat Chedi Luang
On en arrive au principal temple de la vieille ville : le Wat Chedi Luang Worawihan. Situé au cœur du carré historique de Chiang Mai, il est reconnaissable à son immense chedi, dont la partie supérieure s’est effondrée. Plus qu’un simple lieu de culte, c’est un vaste complexe qui ressemble à un petit village, avec ses différents viharn, ubosot, logements de moines, mais aussi un musée, un collège et même une université bouddhiste.
Le temple fut fondé en 1391 par le roi Saen Muang Ma pour y déposer les cendres de son père. Le chedi ne sera achevé que deux générations plus tard, vers le milieu/fin du XVe siècle. Autrefois gratuit, l’accès au site est aujourd’hui payant et se fait juste après l’entrée principale qui fait face au grand viharn. Si vous n’êtes pas habillés correctement, des sarongs et de quoi vous couvrir est mis à disposition à l’entrée.
À côté de l’imposant arbre qui jouxte le guichet, on trouve le San Lak Mueang, littéralement le pilier de la ville. On retrouve ce type de sanctuaire dans la plupart des villes thaïlandaises : il en représente le cœur spirituel. Ici, le pilier est enterré et donc invisible, mais l’intérieur du sanctuaire n’en reste pas moins richement décoré de peintures et de motifs colorés. Il faut noter que l’accès est interdit aux femmes, ce qui reste occasionnel dans certains bâtiments des temples du nord. L’arbre voisin a été planté en 1800 par le roi Kawila, lors de l’aménagement de ce sanctuaire au sein du temple.


Juste à côté, se dresse le viharn royal, un bâtiment massif qui abrite une statue de Bouddha debout (rare en soi), appelée Phra Attharot. Cette statue de bronze de 9 mètres date de la fondation du temple. L’intérieur, assez sobre, résulte d’une reconstruction de 1928.
En avançant derrière le viharn, vous arrivez sur la cour centrale dominée par le grand chedi. Il fut gravement endommagé par un tremblement de terre en 1545, qui fit s’écrouler sa partie supérieure. De plus de 80 mètres de hauteur à l’origine, il n’en mesure plus qu’une cinquantaine aujourd’hui. Son architecture s’inspire des pagodes de Bagan, en Birmanie. Dans les années 1990, d’importantes rénovations ont été menées, avec l’ajout de statues d’éléphants à la base carrée.


Le chedi a une importance historique particulière : en 1468, l’une de ses niches accueillit le fameux Bouddha d’émeraude, avant que celui-ci ne soit déplacé au Laos (à Luang Prabang puis à Vientiane), où il resta plus de 200 ans.
Sur la partie arrière du site, on découvre plusieurs structures plus récentes qui illustrent bien la vitalité des temples thaïlandais. Le Viharn Luang Pu Mun Bhuridatta, par exemple, donne l’impression d’un édifice lanna ancien avec son architecture en bois. Pourtant, il n’a été ajouté qu’en 2002, pour abriter des reliques du moine du même nom.
Deux ans plus tard, en 2004, un autre bâtiment en bois mais en forme de croix, le Viharn Chatumuk Buraphachan, est venu compléter l’ensemble. Là encore, son style s’intègre parfaitement, même s’il est récent : il renferme plusieurs reliques exposées dans des vitrines, notamment des os et cendres de moines de la tradition de la forêt.


Juste à côté, dans un coin discret et peu visité, le viharn Luang Pho Somprathan, entouré d’une petite cour gazonnée, a été récemment rénové.


De retour autour du chedi principal, on trouve également une structure abritant à la fois un Bouddha couché et un Bouddha chinois (reconnaissable à sa bedaine), ainsi qu’un pavillon en bois contenant une belle statue de Bouddha en pierre protégée par un naga. Si tout ça est bien récent, cela reste esthétiquement plaisant et respecte le style architectural local, notamment en privilégiant le bois au lieu de matériaux moderne.
Le Wat Chedi Luang est aussi connu pour ses sessions de Monk Chat, littéralement “discussion avec les moines”. Ce sont surtout de jeunes novices qui s’y prêtent, heureux de répondre aux questions des visiteurs sur la vie monastique, la méditation et la culture thaïlandaise dans le sens large.
Avant de quitter l’enceinte, on passe devant la bibliothèque-musée des manuscrits bouddhistes. Son architecture en forme de petite pagode à plusieurs étages attire l’œil. À l’intérieur, on découvre une collection d’objets religieux et de manuscrits traditionnels, rédigés sur des feuilles de palmier séchées, et quelques photos anciennes de Chiang Mai exposés au rez-de-chaussée.
4- Wat Phantao
Le Wat Phantao se visite facilement en combiné avec le Wat Chedi Luang puisqu’ils sont littéralement voisins. Vue du ciel, on pourrait même croire qu’il en fait partie. Historiquement, les deux temples étaient liés : le terrain servait autrefois de quartier résidentiel aux moines du Chedi Luang.
Son nom, qui signifie « temple aux mille fours », viendrait de l’usage du site comme lieu de fonte des statues de Bouddha destinées au grand temple voisin. Sa fondation remonterait elle aussi à la fin du XIVᵉ siècle, ce qui en fait l’un des plus anciens de Chiang Mai. La plupart des bâtiments sont toutefois modernes, mais le site conserve une pièce unique : son viharn en bois de teck.
Reconnaissable depuis la rue, il est entièrement construit en panneaux de teck posés sur un socle de pierre — l’une des rares structures de ce type encore visibles à Chiang Mai. Particularité : il s’agit de bois recyclé. Le bâtiment était à l’origine un Ho Kham, salle du trône du roi lanna Mahotara Prathet, construite en 1846.
Abandonné par ses successeurs, la résidence royale fut démontée et les panneaux de bois sont alors réutilisé en 1875 par le prince Inthawichayanon pour devenir le viharn du Wat Phantao. Pour rappeler ce passé royal, on retrouve au-dessus de l’entrée un emblème : un paon (symbole de sagesse dans la culture lanna) accompagné d’un chien (zodiaque du souverain), le tout entouré de nagas protecteurs et surmonté d’un petit chedi.
L’intérieur dégage une atmosphère apaisante, avec son sol carrelé d’ocres et une allée centrale verte contrastant avec le bois sombre. La sobriété de l’ensemble renforce le sentiment de zénitude.


La cour du temple, aujourd’hui plus dégagée, était autrefois réputée pour sa mise en scène, avec un bassin longeant la cour tel un ruisseau, centré autour d’un bel arbre de la bodhi, sous lequel trône une statue de Bouddha, toujours présent. Ce lieu devint si populaire durant les célébrations de Loy Krathong / Yi Peng que l’abbé décida de limiter les aménagements pour rendre au temple un peu de sa quiétude. Tout n’a pas disparu puisqu’à m a dernière visite, il y avait des installations florales mais la différence avec avant était particulièrement notable.


Pour terminer, derrière le viharn, vous l’avez l’inconditionnel chedi, ici de forme octogonal. Comme d’autres à Chiang Mai, il a récemment été recouvert de plaques dorées, suivant une tendance qui apporte un éclat supplémentaire à l’ensemble.
5- Wat Jetlin
Tout proche du Wat Chedi Luang, situé dans la même rue 400 m plus loin, le Wat Jetlin (ou Wat Ched Lin, selon les translittérations) est un temple situé au sud de la vieille ville, à quelques minutes de la Chiang Mai gate. Son nom signifie « temple aux sept étangs », en référence à des bassins qui existaient autrefois et auraient servi de lieu de baignade à la famille royale.


Aujourd’hui, on retrouve encore un petit plan d’eau, traversée au milieu par une passerelle en bambou tressé, qui donne beaucoup de charme au lieu et attire les amateurs de photos dont je fait partie. Un côté du bassin est rempli de jacinthes d’eau quand l’autre est disséminé de grosses feuilles de nénuphars.
Comme dans beaucoup de temples de Chiang Mai, les bâtiments ont été rénovés, mais le site conserve une belle cohérence architecturale. Le viharn principal, moderne, reprend le style lanna, avec son toit à plusieurs niveaux et ses décorations dorées. Petite subtilité ici, le viharn est quasiment collé à la rue : son accès se fait donc par le côté, et non depuis la façade avant. L’intérieur, plus sobre, abrite plusieurs statues de Bouddha dans différentes postures, et l’atmosphère reste paisible.



Juste derrière, avant d’atteindre l’étang, vous avez un chedi historique à la brique apparente lui donnant un air brut plus authentique. L’attrait principal du Wat Jetlin reste toutefois son ambiance posée et photogénique, bien différente des grands temples emblématiques comme le Chedi Luang ou le Phra Singh.


C’est un endroit où l’on croise surtout des locaux donnant à manger aux poissons et des moines vaquant à des tâches quotidiennes, ce qui donne une impression plus intime et moins touristique. Sans être un incontournable en termes d’histoire ou de grandeur, le Wat Jetlin mérite une halte si vous voulez varier vos visites et profiter d’un cadre reposant au cœur même de la vieille ville.
Bonus : Wat Sai Mun Burma
Bonus : Wat Sai Mun Burma
Pour compléter cette sélection, je vous propose un temple un peu à part, moins connu et rarement intégré dans les itinéraires classiques : le Wat Sai Mun Burma. Comme son nom l’indique, il ne s’agit pas d’un temple lanna mais d’un édifice de style birman, témoin de la présence d’une importante communauté venue du Myanmar à la fin du XIXᵉ siècle, notamment pour travailler dans l’exploitation du teck.
Le viharn principal se distingue immédiatement par son toit à plusieurs niveaux superposés (pyatthat), typique des temples birmans, et par son décor plus soft, où le rouge et le jaune prédomine. À l’intérieur, l’ambiance reste sobre, avec quelques statues de Bouddha et des ornements colorés. Vous avez aussi deux chedi de style birman situé derrière. Devant, il y a un beau arbre de la bodhi, délimité par un muret.
Ce n’est pas un temple “immanquable” pour une première découverte de Chiang Mai, mais si vous aimez comparer les styles ou découvrir des lieux un peu plus discret, le Wat Sai Mun Burma peut valoir un petit détour. Un bon moyen d’apprécier la diversité religieuse et culturelle de la ville, entre traditions lanna et influences birmanes.




